Entretien avec Yov Moor, coloriste

Date de publication:

28 octobre 2019

Durée:

1h23

Animateurs:

Thibault Elie, Maël Vial

RÉSUMÉ

Déjà évoqué dans nos entretiens avec la monteuse Nelly Quettier ou le directeur de la photographie Jonathan Ricquebourg, l’étalonnage numérique des films occupe une place centrale dans la construction de l’image des films contemporains. Yov Moor est l’un de ces coloristes — terme qu’il préfère à étalonneur — responsable du développement et de la métamorphose de l’image lors de la post-production.

Pour Yov Moor, plus qu’un travail technique, c’est avant tout une question de suivre un point de vue en relation avec le réalisateur et le chef opérateur. Il s’agit de faire preuve d’empathie avec l’image et de sentir pour mieux révéler par les couleurs, le contraste ou la texture l’essence même du film. Le numérique donne la possibilité de renforcer un point de vue…si le réalisateur sait où il veut aller.

Le travail d’étalonnage est aujourd’hui présent dès la préparation du tournage. Des tests de LUT —  tables de conversion du signal vidéo, sortes de filtres améliorés —  permettent ainsi d’avoir un pré-étalonnage sur le plateau de tournage… Mais le travail de Yov Moor peut aussi conduire à « tout faire exploser », comme dans le cas de Shéhérazade, où les couleurs ont été saturées et l’image a gagné en grain pour être plus proche de la vie  marginale et nocturne insufflée par les personnages.

Yov Moor développe des relations privilégiées avec les réalisateurs et les chefs opérateurs des films sur lesquels il travaille. Dans l’intimité de la salle d’étalonnage, il aime découvrir l’image des films avec eux comme des enfants qui auraient gardé leur capacité à s’émerveiller et d’être dans la sensation pure. Mais il considère que le coloriste doit savoir rester à sa place et que le mot final — le pouvoir créatif —  revient à l’auteur-réalisateur.

Comment dompter le digital ? Utilisant l’outil informatique, l’étalonnage nécessite de connaître des logiciels. Yov Moor considère qu’il faut assimiler la technique sans se polluer la tête. Aujourd’hui l’étalonnage voit également arriver l’assistance de l’intelligence artificielle… aux dépends d’une forme accrue de standardisation et, selon Yov, de perdre toute sensibilité — et donc toute humanité.

LES CHAPITRES

00:02:37 — À l’heure du cinéma numérique, le coloriste manipule l’image du film pour suivre un point de vue
00:04:30 — Exemple de travail sur un film avec Shéhérazade de J.B. Marlin, éclairé par J.Ricquebourg
00:12:21 — Que permet l’étalonnage numérique et quels sont ses travers ?
00:20:24 — Jusqu’où intervenir et modifier l’image d’un film ?
00:28:39 — Un parcours autodidacte, entre informatique, jeux-vidéo et cinéma
00:41:28 — Quelques conseils pour bien débuter dans l’étalonnage
00:48:37 — La collaboration créatrice avec les réalisateurs et chefs opérations
00:59:27 — Formes esthétiques et pratique du travail de coloriste
01:06:30 — La technique au service de l’humain : comment dompter le digital, et demain, l’I.A. ?
01:17:06 — La collaboration avec Wang Bing : entre respect de la matière et révélation du documentaire

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BIOGRAPHIE

Yov Moor a appris le métier d’étalonneur, ou plutôt de coloriste, en autodidacte. Depuis son enfance il expérimente avec les ordinateurs, de la modélisation 3D à l’impression de documents. Il a par la suite travaillé dans les jeux vidéo et dans les effets spéciaux pour le cinéma. Yov Moor a également travaillé en tant que réalisateur et chef opérateur en prises de vue réelle. Cinéphile, marqué par 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, il a découvert sur le tard d’autres auteurs comme Jean-Luc Godard et Alain Cavalier.

Son nom est familier des auditeurs puisque son travail avec le directeur de la photographie Jonathan Ricquebourg a été évoqué lors du premier grand entretien (à retrouver ici). Yov Moor a étalonné presque tous les films sur lesquels il a travaillé, à l’image de Mange tes morts, Shéhérazade ou L’angle mort, qui était présenté à l’ACID Cannes cette année. Il étalonné le documentaire Free Radicals sur les cinéastes d’avant-garde, réalisé par Pip Chodorov, que nous avions reçu ce printemps (entretien ici).

La liste de ses films est longue puisque selon IMDB Yov Moor a participé à plus de 128 films depuis 2008. Parmi ces collaborations avec des chefs opérateurs nous pouvons citer Rui Poças qui a tourné L’Ornithologue du portugais Joao Pedro Rodriguez, Les Bonnes Manières des brésiliens Marco Dutra et Juliana Rojas ou encore Frankie de l’américain Ira Sachs, un film qui était en compétition au Festival de Cannes cette année.

Il y a également David Chizallet, connu pour son travail d’opérateur sur Mustang et Kings de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Erguven ou encore Le sens de la fête des réalisateurs français Olivier Nakache et Éric Toledano. Autre chef opérateur, Alexis Kavirchine, qui a travaillé sur les films français Perdrix d’Erwan le Duc et La douleur d’Emmanuel Finkiel. Vous avez aussi travaillé avec le chef opérateur taiwanais Mark Lee Ping-bin sur l’image des films L’éternité et La ballade de l’impossible du réalisateur français Tran Anh Hung. Enfin nous pouvons citer les derniers documentaires du réalisateur chinois Wang Bing, notamment Argent amer et Les Âmes Mortes.

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE

Une sélection conçue par Yov Moor de photogrammes de films qu’il a colorisés (avec son aimable autorisation).

TIJUANA BIBLE (2020) réal. Jean-Charles Hue / image Jonathan Ricquebourg

« Nick, un vétéran américain blessé en Irak, vit dans la Zona Norte, le quartier chaud de Tijuana. Il y fait la connaissance d’Ana, une jeune mexicaine à la recherche de son frère disparu depuis quelques semaines. Ensemble, ils vont plonger dans les bas-fonds de cette ville aux mains des narcos-trafiquants. »

JINPA (2020) réal. Pema Tseden / image Songye Lu

« Sur une route solitaire traversant les vastes plaines dénudées du Tibet, un camionneur qui avait écrasé un mouton par accident prend un jeune homme en stop. Au cours de la conversation qui s’engage entre eux, le chauffeur remarque que son nouvel ami a un poignard en argent attaché à la jambe et apprend que cet homme se prépare à tuer quelqu’un qui lui a fait du tort à un moment donné de sa vie. A l’instant où il dépose l’auto- stoppeur à un embranchement, le camionneur ne se doute aucunement que les brefs moments qu’ils ont partagés vont tout changer pour l’un comme pour l’autre et que leurs destins sont désormais imbriqués à jamais. »

SHÉHÉRAZADE (2018) réal. Jean-Bernard Marlin / image Jonathan Ricquebourg

« Zachary, 17 ans, sort de prison. Rejeté par sa mère, il traîne dans les quartiers populaires de Marseille. C’est là qu’il rencontre Shéhérazade… »

GHOST IN THE MOUNTAINS (2017) réal. Heng Yang / image Songye Lu

« A middle age man comes back to his hometown after years in prison. He meets his childhood friend, ex-girlfriend, and brother he hasn’t seen for years. It seems that he is looking for something. But he ends up finding nothing. He misses the connection between the past and present. He can only walk on the road of present without seeing his future until some coincident beats him up. »

MUSTANG (2014) réal. Deniz Gamze Ergüven / image David Chizallet

« En Turquie, dans un village au bord de la mer Noire, c’est la fin de l’année scolaire. La jeune Lale et ses quatre soeurs, orphelines, libres et insouciantes, chahutent joyeusement sur la plage avec des garçons. De retour à la maison, elles sont accueillies vertement par leur grand-mère qui les corrige une à une pour avoir frotté leur entrejambe sur la nuque des garçons, un comportement rapporté par la voisine, jugé obscène et scandaleux. »

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