Entretien avec Jonathan Ricquebourg, directeur de la photographie

Date de publication:

7 janvier 2019

Durée:

1h21

Animateur:

Thibault Elie

RÉSUMÉ

Directeur de la photographie, ou chef opérateur, un métier du cinéma méconnu du grand public alors que sa responsabilité est la fabrication de l’image d’un film. Avec Jonathan Ricquebourg, 31 ans, nous explorons ce rôle d’artiste-technicien pour mieux comprendre son rôle dans le processus de création.

Artiste ou technicien ?  Jonathan Ricquebourg fait partie de la génération arrivée avec la révolution des caméras numériques haute définition au début des années 2010. Nous avons discuté avec lui de cette nouvelle matière, ses possibilités et ses différences avec la pellicule argentique qui a régné sur le cinéma depuis 1895. Son confrère Yves Capes loue sa « photographie à risque » alors que Jonathan Ricquebourg n’hésite pas à « salir » une image pour être plus proche du sujet du film.

En cinq ans il déjà participé à dix longs-métrages de fiction et plusieurs documentaires multi-primés (Prix Jean-Vigo, Prix Louis-Delluc du premier film, Prix Lumières de la meilleure photographie, César du meilleur premier film…) avec des auteurs et autrices de premiers ou seconds films. Un choix du cinéma d’auteur à petit budget qu’il revendique depuis sa sortie de l’ENS Louis-Lumière. Il défend en même temps que la salle de cinéma et la nécessité d’être cinéphile à l’heure d’un flux continu d’images.

Enfin, pour lui, il faut penser la lumière de cinéma d’un point de vue moral et politique. Auteur en 2013 d’un mémoire intitulé Filmer l’intime[1], il y décrit les principes de cinéma qui guideront sa pratique : « Filmer l’intime, c’est un engagement. C’est filmer l’autre dans ce qu’il n’a pas, ou ne croit pas avoir. C’est aller chercher les plus faibles, pour en faire les plus forts. C’est aller chercher les oubliés, pour que l’on se souvienne d’eux. C’est filmer ce qu’il y a de plus puissant dans la banalité la plus ennuyeuse, c’est rendre au réel sa beauté perdue. »

LES CHAPITRES

00:01:27 — Qu’est-ce qu’un directeur de la photographie ?
00:03:07 — Le rôle du chef op au cœur du collectif du film en lien direct avec le réal
00:25:08 — Trouver où l’on est bon : l’école, les rencontres, la technique
00:35:48 — La lumière est aussi une question morale et politique
00:42:45 — La salle de cinéma, une expérience collective qui crée du lien social
00:51:53 — Être cinéphile c’est avoir des clés pour comprendre les films d’aujourd’hui
01:01:32 — L’importance du statut d’intermittent pour survivre et faire des films différents
01:06:40 — Détourner les possibilités du numérique : l’image charnelle contre l’image plate ?
01:18:40 — Il faut penser le réel et être attentif à la magie qui s’y opère

BIOGRAPHIE

Après un BTS Audiovisuel option image et une licence de cinéma obtenue à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Jonathan Ricquebourg obtient un Master 1 à l’Université Charles de Prague avec le programme Erasmus. Il poursuit ensuite avec une Licence 3 d’anthropologie et un Master 1 de réalisation et création documentaire à l’Université Paris 8. En 2010 intègre ensuite sur concours l’ENS Louis-Lumière, section cinéma, dont il sort diplômé trois ans plus tard. Formé au métier d’opérateur image, il devient rapidement directeur de la photographie sur le film Mange tes morts de Jean-Charles Hue. Le film est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs et reçoit le prestigieux Prix Jean-Vigo 2014[2].

En 2016 il est récompensé avec le Prix de la Meilleure photographie de l’Académie des Lumières[3] pour son travail sur La mort de Louis XIV d’Albert Serra) présenté dans la sélection officielle du Festival de Cannes. Le film reçoit également le Prix Jean-Vigo 2016. La même année il participe notamment au film Gorge Cœur Ventre de Maud Alpi, lauréat du prix Louis-Delluc du premier film[4] 2016. Le film est sélectionné  dans la compétition du festival polonais Camerimage[5] mettant en lumière le travail de chefs opérateurs sur des films de tous les pays.

En 2018 il est chef opérateur sur le film Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin) présenté à la Semaine de la Critique de Cannes. Le film reçoit conjointement trois César en 2019 (dont le meilleur premier film[6]) et le Prix Jean-Vigo 2018. La même année il devient membre actif de l’AFC[7] (l’Association française des directeurs de la photographie cinématographique) parrainé par Julien Poupard et Yves Capes. Ce dernier souligne que Jonathan Ricquebourg « fait clairement partie de la nouvelle génération d’opérateurs à venir… »

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LIENS EXTERNES

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NOTRE CONSEIL DE LECTURE

La lumière au cinéma de Fabrice Revaud d’Allones. Un essai sur l’esthétique de la lumière qui tente de distinguer des styles (classique, moderne, baroque, académique…) et de faire une courte histoire des techniques et du langage lumineux au cinéma. Une introduction savante qui aide à avoir un œil critique les plans des films que l’on regarde.

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE

Cliquez sur les images pour lire les bandes-annonces.

MANGE TES MORTS (réal. Jean-Charles Hue, 2014)

Jason Dorkel, 18 ans, appartient à la communauté des gens du voyage. Il s’apprête à célébrer son baptême chrétien alors que son demi-frère Fred revient après plusieurs années de prison. Ensemble, accompagnés de leur dernier frère, Mickael, un garçon impulsif et violent, les trois Dorkel partent en virée dans le monde des « gadjos » à la recherche d’une cargaison de cuivre.

« Mange tes morts m’avait marqué à sa sortie, fantasmagorie à lisière du film noir et du western. Le décalage trouvé à l’image nous emmène dans un univers hors du commun. Et on peut vraiment parler d’audace lorsque l’on repense à la course poursuite finale. Scène haletante. On imagine avec peu de moyens mais beaucoup d’idées… »

Yves Capes, directeur de la photographie[7]

LA MORT DE LOUIS XIV (réal. Albert Serra, 2016)

Août 1715. À son retour de promenade, Louis XIV ressent une vive douleur à la jambe. Les jours suivants, le Roi poursuit ses obligations mais ses nuits sont agitées, la fièvre le gagne. Il se nourrit peu et s’affaiblit de plus en plus. C’est le début de la lente agonie du plus grand roi de France, entouré de ses fidèles et de ses médecins.

GORGE CŒUR VENTRE (réal. Maud Alpi, 2016)

Les bêtes arrivent la nuit. Elles sentent. Elles résistent. Avant l’aube, un jeune homme les conduit à la mort. Son chien découvre un monde effrayant qui semble ne jamais devoir s’arrêter.

SHÉHÉRAZADE (réal. Jean-Bernard Marlin, 2018)

Zachary, 17 ans, sort de prison. Rejeté par sa mère, il traîne dans les quartiers populaires de Marseille. C’est là qu’il rencontre Shéhérazade…

COURTS-MÉTRAGES ÉTUDIANTS

Cliquez sur les images pour regarder les films.

POLINTER (réal. Dafne Capella, 2011)

Enfermés dans le coffre d’une voiture de police, les prisonniers passent d’une prison à l’autre. Arrêtés principalement pour des vols sans importance, ils sont maintenant piégés dans les limvres bureaucratique, partageant des cellules surpeuplées qui, légalement, n’existent même pas. Bien que cela ressemble à une fiction kafkaïenne, c’est la routine de Polinter, le système carcéral de Rio de Janeiro.

LES CORPS PATIENTS (réal. Jonathan Ricquebourg, 2012)

La Villa Rubens. Un accueil de jour pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Les malades viennent là le jour durant, lorsqu’a été déclarée une maladie sans espoir de retour. Ni présents ni absents, ils sont les corps patients, attendant sans vraiment le savoir, qu’un peu de temps passe, qu’un peu de bonheur surgisse.

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