Entretien avec Jean-Charles Hue, artiste-cinéaste

Date de publication:

27 juillet 2020

Durée:

1h15

Animateur:

Thibault Elie

RÉSUMÉ

La Zona Norte de Tijuana au Mexique. Un quartier populaire d’une ville située juste au sud de la frontière avec les États-Unis, à quelques kilomètres de San Diego, au bord de l’Océan Pacifique. Voici le territoire peuplé de personnages libres et marginaux, étincelants et incandescents, que nous allons explorer à travers quelque uns des films d’un cinéaste-voyageur : Tijuana Bible de Jean-Charles Hue.

Après La BM du Seigneur et Mange tes morts en 2011 et 2014, deux films avec la communauté des Yéniches en France ; Jean-Charles Hue revient au Mexique, dans la ville de Tijuana — cité frontalière, au bord du désert et de l’Océan — qu’il avait déjà explorée dans Carne viva, documentaire tourné en 2009, et dans de nombreux courts-métrages : El Puma, Yvon el tuerto (le borgne) and Pretty Eyes ; Tijuana Jarretelle le diable, Agua Caliente, Crystal Bullet Tijuana Tales et Topo y Wera.

Fort de sa connaissance physique et intime de « TJ » et de ses habitants, le cinéaste se livre sur ce qu’il a cherché, et peut-être trouvé, au Mexique. Un décalage avec le quotidien mais surtout une connexion à un « précipité de l’humanité ». Jean-Charles Hue a vu dans la réalité de cette ville une « cour des miracles », théâtre d’une humanité imparfaite tiraillée entre solidarité et cruauté, amour et mort. Avec son regard d’européen, il filme là-bas, dans ce territoire de quelques kilomètres-carrés en marge de la mondialisation libérale et où tout peut arriver.

Ce sentiment d’imprévu et de danger, le cinéaste a cherché à le conserver dans le long-métrage qu’il a écrit et réalisé : Tijuana Bible est une fiction dans les bas-fonds de la ville, où l’on suit deux personnages en quête d’un soldat américain disparu, lui aussi, à Tijuana. Entre narcotrafiquants et junkies, prostituées et déportés, gringos et white trash… Jean-Charles Hue filme le cœur de cette ville ; sa violence, sa liberté et peut-être, sa féerie. Trois acteurs professionnels pour les rôles principaux — dont Paul Anderson — et une myriade d’inconnus de Tijuana devenus acteurs de leur propre rôle dans le film.

Une fiction tournée avec les moyens du cinéma professionnel : nous avons notamment évoqué la contribution à l’image du directeur de la photographie Jonathan Ricquebourg et du coloriste Yov Moor, que nous avions tous deux reçus dans l’émission. Pour Jean-Charles Hue, la lumière d’un film est unique et propre à son contexte de création — c’est-à-dire à chaque tournage. Or dans Tijuana Bible la tension créée par le danger à pousser acteurs et techniciens à se dépasser collectivement pour capturer un plan. Grand cinéphile, fan de Sam Peckinpah et de Larry Clark, Jean-Charles Hue cite Serge Daney et affirme avoir « découvert le monde dans le cinéma, or le monde c’est l’enfer alors que le cinéma est le monde et qu’il est rassurant. Et il est bon de découvrir le monde dans le cinéma. »

LES CHAPITRES

00:01:51 — Être artiste-cinéaste, comme une case vide dans la société
00:07:00 — La ville de Tijuana au Mexique : entre animalité, sacré, violence et rapport à la mort
00:16:34 — « TJ », une cour de miracles « magnifique et dur » à laquelle il faut croire
00:28:52 — Tijuana Bible : tension entre le réel et la fiction, le documentaire et les acteurs
00:38:56 —  De la survie à « TJ » par la rencontre humaine avec la caméra
00:44:57 — Petits et grands miracles d’un tournage impossible à Tijuana
00:59:51 — L’âme du film ne se crée pas par la technique
01:07:45 — Voir le cinéma au regard de l’intensité du tournage ?

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LIENS EXTERNES

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Fiche IMDB

BIOGRAPHIE

Jean-Charles Hue est cinéaste, plasticien et vidéaste français né en 1968 à Eaubonne. Après avoir travaillé comme designer verrier à Murano en Italie, il intègre l’Ecole de la Chambre syndicale de haute couture pour devenir styliste. C’est dans ce contexte qu’il réalise un premier film. Après une nouvelle formation en école d’art, il présente en 2001 une exposition personnelle sur son travail de vidéaste réalisé en Espagne dans le monde gitan.

Après plusieurs expositions et festivals, différents courts-métrages avec la famille Dorkel issue de la communauté des gens du voyage dans le nord de la France (Quoi de neuf docteur, L’œil de Fred, Y’a plus d’os), il réalise un premier long métrage documentaire à Tijuana, au Mexique, en 2009, Carne Viva, exposé sous la forme de séquences vidéo séparées à la galerie Michel Rein qui le représente toujours à ce jour. Avec son deuxième long métrage, de fiction cette fois, La BM du Seigneur, sorti en janvier 2011, Jean-Charles Hue filme le quotidien de la communauté yéniche. Il enchaîne avec Mange tes Morts, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs et récompensé par le Prix Jean Vigo en 2014.

A partir de 2016, il s’intéresse de nouveau au quotidien des habitants de Tijuana et y tourne le court-métrage expérimental Tijuana Tales, également sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2017 et le moyen-métrage Topo y wera. récompensé au Festival de Brive en 2019. Avec Tijuana Bible, Jean-Charles Hue poursuit l’exploration de cette communauté.

Biographie issue du dossier de presse du film.

TIJUANA BIBLE (2020)

Bande-annonce
Synopsis

« Thomas et Francis braquent Wilfrid, propriétaire d’un ensemble de carwash. Contre toute attente, celui-ci se montre ravi de cette compagnie venant égayer sa vie solitaire, et les autorise à piquer dans la caisse. Bientôt, Hélène et Lucie, deux copines du Sud, les rejoignent pour profiter de l’été à Poitiers. »

Photogrammes

Une sélection du coloriste du film, Yov Moor, avec son aimable autorisation.

Pour aller plus loin

« Nous avons étalonné le film avec Yov Moor, qui a su trouver des couleurs saillantes, tout en gardant une dimension sobre de l’image : Paul Anderson est puissant, visible et traverse les espaces. Le film est une sorte de « road movie », de quête initiatique : nous n’avons pas hésité à donner à l’image des couleurs singulières qui donnaient vie à chacun de ces espaces, à chacune de ces personnes. La force du film vient de cette rencontre entre Jean-Charles, les naufragés et Paul Anderson, acteur puissant qui se fond complètement dans le décor. À dire vrai, le film est un document sur son corps abîmé. On croit à ce type perdu, esquinté par la vie, qui cherche désespérément le salut. »

« Hue devient un témoin sur le seuil – un seuil physique, à la frontière de deux pays, un seuil spirituel, entre la vie et la mort, un seuil historique, face au futur de plus en plus incertain de Tijuana, mais aussi le seuil créé par la caméra, avec laquelle il filme, légèrement en retrait mais néanmoins au cœur de l’action. C’est précisément et paradoxalement ici, dans ce chaos anarchique, que son projet prend toute sa dimension et parvient à conjurer sa disparition. »

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