Nous dérivons de notre format habituel consacré aux créateurs pour une nouvelle série d’entretiens avec des explorateurs et penseurs de l’image et du son. À partir de livres, de textes, de revues ou de recherches nous allons interroger des historiens, théoriciens, critiques ou essayistes qui s’intéressent au cinéma et aux images dans leurs aspects les plus divers.

Avocat, journaliste, essayiste, Juan Branco se définit avant tout comme un penseur qui intervient dans l’espace public afin d’aider à l’émancipation des tutelles politiques, sociales et intellectuelles. Connu pour ses essais politiques contre Emmanuel Macron et son soutien à Wikileaks ainsi qu’aux Gilets Jaunes, il est aussi l’un de ceux qui réfléchissent aux images dans le monde contemporain.

Selon lui, le film Joker de Todd Philipps, produit à Hollywood au sein de la franchise Marvel est l’un des films politiques de l’année : « Qui ne comprend pas le lien avec les gilets jaunes n’a rien compris au sens de cette révolte ». Juan Branco défend le renversement symbolique opéré au sein du film, d’une psychologisation à une politisation. Un film marxiste, montrant le processus menant à la lutte des classes.

Alors que peut le cinéma pour transformer le monde ? Juan Branco défend le medium mais interroge ses mutations les plus récentes, liées tant aux nouvelles techniques qu’à un nouveau rapport au politique. Si les images ont perdu du merveilleux et que le monde est sûrement moins beau et moins émouvant, il est aussi plus juste et plus horizontal. Une perte de sacralité sur laquelle nous débattons.

Les Gilets Jaunes, mouvement qu’il a défendu dans l’espace public depuis sa naissance, ont été selon lui  l’occasion de voir l’émergence d’auteurs de films. Juan Branco soutient que la présence de monteurs et non simplement de filmeurs de live au sein du mouvement a permis de créer un angle, une perspective et une pensée à partir d’images de résistance. Un contre-récit qui met fin au monopole de la production filmique traditionnelle.

Enfin, en revenant sur son livre D’après une image de Daesh, nous essayons de penser les images létales, celles qui tuent et maltraitent les corps. Des mises en scène politiques que l’on retrouve chez les terroristes d’extrême-droite qui ont filmé leurs attentats et les ont diffusé en direct en 2019. Une interrogation que nous laissons ouverte tant elle a été peu explorée mais requiert une capacité interprétative et de réception. Alors, les images peuvent-elles encore être révolutionnaires ? Et comment recréer du commun ?

00:02:44 — L’élaboration d’une pensée émancipatrice et le rapport d’esthétisation au monde
00:04:22 — Le film Joker, ode aux luttes insurrectionnelles et renversement symbolique au cœur d’Hollywood
00:08:57 — Joker et la mise à mort de la société su spectacle et un nouveau rapport à l’image, au cinéma et au politique
00:24:35 — Les révoltes actuelles dans le monde et la puissance transformatrice du cinéma en question
00:33:16 —  Les Gilets Jaunes ont eu des monteurs-auteurs de films militants créant un angle et une pensée
00:46:56 — Les images létales : des films de vacances de Daesh aux live Facebook de terroristes d’extrême-droite
00:56:18 — De l’incapacité à comprendre le mouvement des Gilets Jaunes…et à le filmer ?
01:11:19 — Peut-on encore faire des images révolutionnaires ?

Né en 1989, Juan Branco est diplômé de Sciences Po et docteur en droit international et philosophie du droit. Il a travaillé à la Cour Pénale Internationale ainsi qu’au cabinet du Ministre des Affaires Étrangères en France. Il exerce aujourd’hui comme avocat, notamment auprès du lanceur d’alerte Julian Assange ou du Gilet Jaune Maxime Nicolle.

Soutien du mouvement des Gilets Jaunes depuis ses débuts, et même avant si l’on peut dire, puisqu’il a écrit un livre s’intitulant Contre Macron à l’été 2017 puis un second essai à l’automne 2018, Crépuscule, une enquête sur les mécanismes oligarchiques d’accès au pouvoir d’Emmanuel Macron.

Dans son parcours existe un rapport plus direct et intime au cinéma depuis votre enfance puisque qu’il est le fils du producteur de cinéma espagnol Paulo Branco, qui a notamment travaillé avec Raoul Ruiz, Manoel de Oliveria, Wim Wenders ou encore Chantal Akerman.

Juan Branco écrit régulièrement sur le cinéma et sur les images dans des textes publiés sur votre blog — voir les liens ci-dessous — ou dans des livres. En 2011 son premier ouvrage, Réponses à Hadopi, raconte l’histoire de ce dispositif de contrôle du partage des films sur internet, et en propose une alternative : la licence globale. Un livre contenant un entretien avec Jean-Luc Godard qui poursuit cette réflexion sur le droit d’auteur.

Son autre livre ayant trait aux images, D’après une image de Daesh, écrit en 2016, propose de réfléchir sur des vidéos tournées au sein de l’Etat Islamique en 2014. Un essai de philosophie des images où Juan Branco interroge leur portée historique, esthétique et politique.

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